Historique des GGI

S’il est aujourd’hui possible d’affirmer que la grève générale est un mode d’action politique efficace pour le mouvement étudiant, c’est parce que l’histoire des quarante dernières années l’a démontré.

 

Octobre 1968 : À cette époque, les Cégeps venaient d’être créés et les mouvements sociaux étaient forts, tant au Québec qu’ailleurs. La grève fut très large et dura environ un mois. Les demandes étaient alors assez radicales et revendiquaient l’autogestion des institutions scolaires, la gratuité scolaire et l’accès à une éducation post-secondaire pour les enfants des classes défavorisées et francophones. En comparaison avec la radicalité et l’ampleur des demandes, la grève fut malheureusement perçue comme un échec. Toutefois, au niveau historique, elle est responsable du gel des frais de scolarité qui dura jusqu’en 1990. Elle a permis la consolidation du mouvement étudiant et a accéléré l’agrandissement du réseau de l’Université du Québec.

 

Automne 1974 : Deux grèves eurent lieu durant le même trimestre concernant deux enjeux différents. La première s’opposa aux nouveaux tests d’aptitudes pour les études universitaires (TAEU), tandis que la seconde réclamait une amélioration du système de prêts et bourses. Les deux grèves furent brèves et se conclurent par l’obtention des gains souhaités par les étudiant-e-s. C’est aussi suite à cette grève que fut créée l’ANEQ (Association nationale des étudiants du Québec), association nationale combative dont l’ASSÉ se réclame.

 

Novembre 1978 : Une nouvelle grève offensive a lieu, apportant encore une fois les gains souhaités. Les étudiant-e-s réclamaient la gratuité scolaire ainsi qu’une amélioration substantielle du système de prêts et bourses. Le mouvement de grève s’est amplifié si rapidement et à un point tel que le gouvernement dut immédiatement faire des concessions, améliorant grandement le système de prêts et bourses.

 

Hiver 1986 : Le gouvernement libéral menace de dégeler les frais de scolarité, ce qui déclenche une nouvelle grève générale menée par l’ANEEQ, la partie combative du mouvement étudiant. La grève force le gouvernement à reculer sur la hausse. Le réseau des universités publiques renonce aussi à imposer des frais afférents pour les étudiant-e-s durant 2 ans. Cette grève mènera à leur perte les deux associations étudiantes incarnant la tendance au lobbyisme dans le mouvement étudiant.

 

1988 : Une grève est votée pour l’amélioration du régime d’aide financière. Un contexte défavorable et la situation de l’ANEEQ— déchirée par les conflits internes et proche de la dissolution — n’aident pas. Elle se révélera être un échec car trop peu d’associations y participent réellement.

 

Avril et mars 1990 : Le gouvernement dégèle les frais de scolarité. À la désorganisation du mouvement s’ajoute l’échec encore cuisant de 1988. Quelques grèves sont déclenchées, mais le mouvement ne se généralise pas. Certaines associations appellent à un boycott des frais de scolarité, mais seulement 1% des étudiant-e-s répondent à l’appel, rendant le stratagème inefficace.

 

Automne 1996 : Le gouvernement veut augmenter les frais de 30%. Une grève générale est lancée et la frange combative du mouvement étudiant reprend de l’ampleur. Les frais seront finalement gelés pour dix ans. La stratégie du lobbyisme est discréditée par cette grève, alors que la frange combative continue de prendre de l’importance.

 

Hiver 2005 : Dans son budget pour l’année 2004-2005, le gouvernement Charest annonce qu’il procédera à une réforme majeure du régime des prêts et bourses ayant entre autres comme conséquence de convertir 103 millions $ des bourses en prêts. Cette mesure nuira directement aux moins nanti‑e‑s et augmentera significativement l’endettement étudiant. Le mouvement de grève est d’abord déclenché par l’ASSÉ, suivie par les Fédérations étudiantes, qui s’opposaient — et s’opposent toujours — explicitement à une stratégie combative. La grève dure huit semaines et se conclue par une victoire partielle. En effet, c’est la partie lobbyiste du mouvement, la FEUQ, qui négocie avec le gouvernement et fait des concessions alors que le mouvement est à son apogée. Toutefois, cette grève peut être considérée comme une victoire importante puisqu’elle a empêché la conversion de 103M$ de bourses en prêts.

 

Printemps 2012 : En 2010, le gouvernement Charest annonce son intention d’augmenter les frais de scolarité. L’année suivante, le montant de cette hausse est révélée : 1625$ sur 5 ans suvi d’une indexation à partir de 2017. Pour bloquer la hausse, l’ASSÉ n’attendra pas d’être devant le fait accompli. Dès 2010, une escalade des moyens de pression est entreprise pour faire reculer le gouvernement. C’est d’ailleurs ce travail de longue haleine qui a rendu possible la mobilisation sans précédent que nous avons connu. À son apogée, c’est plus de 300 000 étudiantes et étudiants qui sont en grève. Déclenchée le 13 février, elle ne s’arrêtera qu’après la défaite électorale des libéraux le 4 septembre. Le gouvernement Marois décrète alors un moratoire sur la hausse et opte finalement pour une indexation. Victoire partielle donc, puisque la hausse de 75% fut annulée, mais que l’indexation nous fût imposée, faute de parvenir à retomber en grève au printemps 2013.

 

Ce que nous pouvons conclure de ce survol historique, c’est qu’à chaque attaque portée à l’éducation, la grève générale fut la stratégie la plus à même d’effrayer suffisamment le gouvernement pour le faire changer d’avis. Jamais le gouvernement n’a reculé sur une importante décision lorsqu’il a fait face uniquement à des manifestations, des pétitions ou des actions symboliques. Seul un mouvement fortement combatif aura pu obtenir une victoire politique totale.